1941. Sous l’occupation allemande, le scoutisme a été interdit. Quant aux vacances insouciantes et dépaysantes, personne n’y pense vraiment, et pour cause.
C’est dans ce cadre difficile (également en matière d’édition et d’impression) que Jijé crée son premier héros réaliste : Valhardi, en collaboration avec Jean Doisy au scénario.
Pour sa première grande aventure, le détective part en vacances à la montagne, accompagné de Jacquot. Flanquer le héros d’un jeune garçon n’est pas innocent : par ce biais, les lecteurs de Spirou peuvent facilement s’identifier à lui et entrer dans l’aventure.
Lorsque la libération relance les rotatives, un vent nouveau flotte également sur les mouvements de jeunesse et Jean Doisy fait renaître les Amis de Spirou (les A.D.S.), club de jeunes lecteurs pourvu de son code d’honneur et de bienveillance. Valhardi emmène donc les enfants du personnel en camp au bord de la Lesse. Jijé connaît bien les lieux : à l’époque, il habite près de Dinant.
L’aventure suivante est plus internationale : Valhardi part à la recherche de cargos disparus. L’album fait la part belle aux combats aériens, et si Jacquot est toujours présent, quoique plus en retrait, Jijé met son héros en présence d’une héroïne. La jolie Suzanne Dax aurait pu devenir un personnage récurrent de la série, mais il fallait aussi composer avec la Commission française de contrôle des publications destinées à la jeunesse… C’est au cours de ce récit également que Jijé mettra fin à sa collaboration avec Jean Doisy.
Pendant son enquête, Valhardi embarque sur le cargo “Le Marseille”, dont le capitaine est très porté sur le whisky… A croire que c’était un poncif de l’époque, à moins que ce fût une référence assumée au capitaine Haddock.
Jijé revient à Valhardi au milieu des années ’50, après en avoir laissé les rennes à Eddy Paape pour pouvoir se concentrer sur d’autres projets : ses récits biographiques d’abord, et sa nouvelle série, Jerry Spring. La comparaison de Soleil Noir avec la précédente aventure dessinée par Jijé est frappante : personnages, caractères, décors… le trait est maintenant arrivé à maturité ! Les héros également sont plus adultes : exit le petit Jacquot, voici maintenant Gègène, apprenti reporter. C’est aussi le début de la collaboration avec Jean-Michel Charlier au scénario.
Viendront ensuite Le gang du diamant et l’Affaire Barnes (1958) toujours avec Charlier. Puis Le mauvais oeil et Le secret de Neptune (1959 et 1960), cette fois sur un script de son fils Philippe Gillain. Après Rendez-vous sur le Yukon, Jijé met en veilleuse les aventures du détective pendant plus d’un an pour se consacrer plus intensément à Jerry Spring.
Plains-toi… Tu vis depuis huit jours comme une vedette. Tantôt encore une interview à la télévision… Tu n’avais pas l’air de t’ennuyer à ce moment-là.
Lorsqu’il s’adresse ainsi à Gègène au début de L’affaire Barnes, Valhardi ne se rend pas compte à quel point les évènements lui donneront raison… 5 ans plus tard !
Le retour de Valhardi marque le début d’une longue et fructueuse collaboration avec Mouminoux (au scénario et aux décors). La trame psychologique des personnages change également : on est au début des années ’60, période du yé-yé, des voitures toujours plus puissantes, des courses automobiles… Gègène semble retomber dans la frénésie de l’adolescence, tandis qu’à ses côtés Valhardi prend parfois des airs de “vieux schnock”. Mouminoux apporte de la fraîcheur et de la jeunesse, au point que le personnage de Gègène va progressivement prendre le devant de la scène.
Avec Le grand rush, puis Le duel des idoles, il est maintenant pleinement la vedette. Ce sera la fin de la série.